René Schickele est le plus essentiel des écrivains alsaciens. Né en Alsace allemande en 1883, il milite toute sa vie pour une alsacianité de l'esprit incarnant l'espoir d'une Europe pacifiste. Il imagine une Alsace médiatrice entre la France et l'Allemagne dont les combats ont fait 250 000 morts en 1870-71, 186 millions de morts en 1914-18. Il ne connaitra pas la dernière. Il décède en exil en Provence en 1940.
Citoyen français und deutscher Dichter, René Scickele est un écrivain, poète, journaliste, auteur de théâtre, de nationalité française et de langue allemande. Né en Alsace, il n'y aura vécu que sa jeunesse intellectuelle en publiant ses premières revues puis durant la seule année 1911 où il devient rédacteur en chef du journal libéral Neue Straßburger Zeitung. C'est l'année où l'Alsace-Lorraine est doté d'une autonomie de Land en 1911 par la Constitution d'Empire, Gesetz über die Verfassung Elsaß-Lothringen . Il passe tout le reste de sa vie dans des voyages et des allées et venues de journaliste entre Paris et Berlin, Munich et Zürich où il prend la direction de la revue Die weissen Blätter. Il y publie la plupart des écrivains de l'époque expressionniste qui témoignent du lien entre la politique et une littérature antimilitariste, anti-bourgeoise, anti-impérialiste, républicaine, socialiste et pacifiste. Ce monde nouveau sera un espoir déçu par l'échec de la Révolution de Novembre 1919 en Allemagne. Las des agitations et des déceptions, il s'établit avec sa famille à Badenweiler en Allemagne, en Forêt-Noire, en pays alémanique de l'autre côté du Rhin, face à la plaine d'Alsace. Il rédige des centaines d'articles de presse tout en écrivant le coeur de son oeuvre, la trilogie Das Erbe am Rhein. Il prend une position déceptive sur les enjeux de l'autonomisme en Alsace, le considérant comme la cause d'une double inculture alsacienne, ni vraiment allemande ni vraiment française.
Durant la montée du nazisme ses livres sont interdits. Il est considéré comme pacifiste, comme juif alsacien, ce qui l'amène à quitter les bords du Rhin pour vivre en Provence à Vence où il retrouve les principaux auteurs émigrés de l'Exilliteratur. Il y écrit en français son dernier livre Le Retour sans trouver une audience en France. Thomas Mann salue l'oeuvre de René Schickele comme celle du guetteur de l'Europe célébré par Goethe dans Türmerlied, zum Sehen geboren, zum Schauen bestellt, Dem Turme geschworen, Gefällt mir die Welt, Guetteur né, en guetteur de la tour de guet, j'aime le monde.
Franz de Haas